A Nguyen Tuan: Le visionnaire de la nuit
Quế Anh (oil pastel on paper) Notre chimère : La pureté
A Nguyễn Tuân
Le visionnaire la nuit
I-
Avoir un masque et lentement le défaire
de notre pureté intime et du trouble essentiel
voir et sans voir au visage la ligne de lumière
de l’avant-réalité et l’ éclosion passée
toucher d’une main qui pourrait guérir
la fêlure qui nous serait fatale de ce contact agrandie
écouter religieusement la sourde symphonie
et avoir pourtant comme un voeu le pouvoir de maudire
comprendre oh sans comprendre les ombres des ombres
de toutes celles qui nous suivent et la nôtre du silence
Me seras-tu venu tel halluciné de la nuit
laissant en arrière les rayons du crépuscule
me donner une vision qui deviendra intimement mienne
de la juste proportion de la nuit et du jour
Comme si le vide pouvait se remplir
de demi-mots notre chuchotement si vain
à chaque regard la force apaisante
pour être révolté et en même temps accepter
poursuivant le chemin de nos pas frelatés
à la pénombre de mon rêve et toutes nos peines
Me seras-tu venu tel visionnaire de la nuit
me donner combien sans raison la lourde
brûlante et brûlante la lourde
II-
Du fond de toutes les profondeurs
sur l’écran évanescent de nos propres désirs
le rayon pâlissant d’un rêve visionnaire
et je serai (re)né à ton image – à votre image
recevoir le don à porter de messager oublié
de savoir et savoir de comprendre et comprendre
dans un pays où il est un goût de vivre
il serait sans doute doux de mourir
dans le pays où souffrir est permanent
même la mort ne serait d’aucun sens
et je serai sorti de la nuit des insomnies
restant ébloui comme dans un motel de passage
sur un couloir de lumières enivrantes
où le silence semble être de murmure
et que la solitude est oppressante
construisant en un cri retenu le monde à défier
de toutes les possibilités manquées
de tous les rêves de mon enfance
donnant la tête je ne
tout en espérant peut-être avec des raisons
à quelque coin douteux de ma perdition
une apparition funeste qui me soulage
et qui me berce au rythme chanté des naufrages
III-
A la platitude l’étendue de la mer
à la houle la blanche écume de colère
de notre nuit l’infime lueur de l’espoir
et pour vous, je tracerai le seuil de mon sort
grotte intérieure cachette d’ermite sauvage
pour vous je me lèverai aux mirages
foulant aux pieds le sable du désert
avec l’enchantement enfantin et la sagesse séculaire
revivant le passé et déniant le présent
J’aurai la force le coeur et la mémoire
je me rappellerai la paire de seins naissants
le corps entier pubescent sous le toucher maladroit
de garçon mal-grandi qui était toujours en moi
qui n’avait peut-être pas vu le jour
ayant le goût de foin et la saveur de primevères
se réalisant en un instant
le probable mystère de la vie et de la mort
je me souviendrai de la femme languide
assise et immobile à la robe évasée
un soir de silence rituel et d’attente sensuelle
je voyais le corps à peine assouvi
la blancheur maculée aux douleurs promis
les rides prématurées et le réveil des mornes matins
j’entendrai vos voix venant de nulle part
au bruissement des feuilles en chevauchée de nuages
le chuchotement nuptial et les plaintes délirantes
soudards titubant à la sortie des bars
polichinelles traqués traînant les pas
des hommes qui se croyaient guides et dauphins
dictant aux édiles et donnant des lois
le balbutiement continu cachant leur désarroi
des gestes séniles à l’approche de l’oubli
je monterai de nouveau l’escalier branlant
à la chambre délabrée ouverte au soleil
où jeune fille demi-nue elle m’attendait
douloureusement mienne et autrement lointaine
la tête reposée sur le rebord des vents
j’écoutais le bruit de la ville en bas
vieilli avant l’âge malgré mon air de jeunesse
et la limpidité de mon regard indifférent
de sa froide beauté les lignes transparentes
avec une bouffée de vie et des impossibiltés amères
je verrai dans la nuit noire le reflet de mon image
sur le courant des eaux le glissement des barges
emportant des loques et des charges nauséabondes
parmi des milliers j’étais l’homme dépouillé
vu le nombre je n’avais qu’une pensée distraite
me moquant même du mythe de la mort
en longue file nous allions transis
à la source pour une gorgée trompeuse
et la nuit durant notre faim présente
je réalisais notre chimère la pureté
l’ivresse vraie de notre profond éternel dénuement
IV-
Terre vaine sous le couvert de la nuit nous trouve
muant malheureux pour une saison avant
de naître dans la mue le goéland a ses ailes
entravées battant
mouvement monotone nous parle de ce combat futile
entre les âges se répète le message éparpillé des
feuilles d’un album oublié
nous avons le rêve des rêves la condition humaine
entre les humains et le sourire figé de la femme
mais crie donc à la fin de l’heure interminable:
“Ecoute! Ecoute!”
éperdument nous regardons et attendons en
vain à la verte branche l’éclatement la bulle
irisée que souffle la jeune fille voisine les pieds nus
les haillons révèlent entière troublante
la forme maigre et si pure
les stigmates déjà de l’oubli
sur le fond d’un nuage immobile
Me seras-tu venu tel visionnaire de la nuit
apparition fugace phosphorescente de l’attente
me donner combien sans raison la lourde
le rêve brûlant d’un jour brisé dans le crépuscule
1982
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